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01 janvier 2019 - 12:21

2018, UNE ANNÉE NUMÉRIQUE À OUBLIER! Par Mohamed Douyeb, co-fondateur "Al Mitaq Digital Act"

“Douane: Le big bang du 1er janvier”, titre fièrement L’Economiste dans son dernier numéro de l’année 2018. Et il y a de quoi! L’Administration de la douane passe, à partir du 1er janvier 2019, à une administration 100% numérique. Une révolution. Je l’ai déjà souligné dans une tribune co-signée avec des amis membres fondateurs du collectif “Al Mitaq Digital Act”: La Douane est un champion numérique national. Mais cette transformation numérique du fisc nécessaire pour des questions de veille, de recouvrement et de contrôle cache une réalité amère. En dépit de toutes les annonces en grande pompe, le Maroc a vécu une année numérique blanche. Et ce n’est pas les déclarations du ministère de l’Industrie, du commerce et de l’économie, selon lesquelles, le Maroc a une vraie stratégie digitale et qu’il figure dans le top 10 digital africain, qui y changeront quelque chose.L’exemple de l’Agence du développement du digital pour commencer. Que fait l’ADD depuis son installation, il y a de cela une année? Une DG par intérim. Des administrateurs dont on n’entend pas parler. Même pas un site internet! Pour sa première sortie, l’Agence du digital s’est offert le luxe d’un petit stand dans le cadre du dernier salon Africa IT Exp (AITEX) organisé par la Fédération Marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring (APEBI). Aucune annonce forte, même si la DG par intérim a été invitée à prendre la parole. Bref une sortie très timide pour un organisme sensé accompagner la stratégie de l’Etat dans le domaine du numérique. Curieusement dans l’écosystème du numérique, personne ne semble s’offusquer de cette situation, à commencer par les différentes associations et fédérations professionnelles à l’image de l’Apebi. Une Fédération qui ne fait que répéter qu’elle va –elle aussi- accompagner les chantiers de l’ADD. Appelée à lancer une dynamique pendant l’année 2018, l’Agence du développement du digital n’a donc pas réussi ce pari. Certainement par manque de volontarisme et de leadership.

La stratégie Maroc Digital 2020 dépassée

Autre exemple, la transformation numérique de l’administration. Le schéma directeur de ce chantier titanesque est toujours en gestation au niveau du ministère de la Réforme de l’administration et de la fonction publique. Quand on sait que ce département vient à peine de lancer une étude sur l’élaboration de la cartographie des services administratifs rendus aux citoyens, il faut s’armer de patience pour voir les prémices de la transformation numérique de nos services administratifs rendus aux citoyens. L’adhésion du Maroc à l’initiative de Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), dont l’objectif est le renforcement de l’accessibilité des citoyens à l’information, est une bonne initiative, mais le département de tutelle ne semble pas pressé pour accélérer la cadence. Le ministère vient d’ailleurs d’annoncer l’ouverture des candidatures pour la représentation de la société civile au sein du comité de pilotage du gouvernement ouvert. L’objectif étant d’instaurer une gouvernance impliquant un partenariat solide et efficient entre le gouvernement et la société civile telle que dictée par l’initiative internationale du PGO. Là encore, le volontarisme manque. Le rythme d’exécution aussi.

Même constat amer au niveau de la transformation numérique du secteur de l’éducation nationale. Les performances ne sont pas au rendez-vous. De l’aveu même du chef du gouvernement, lors d’une réunion récente sur l’évaluation sur le programme GENIE, (Généralisation des technologies d’information et de communication dans l’enseignement) avec des représentants des ministères de l’Education nationale et de l’Industrie, du commerce et de l’économie numérique, et l’Agence du développement du digital, des retards sont à rattraper dans la réalisation de certains objectifs-clés inscrits dans le cadre de ce programme. Autre dysfonctionnement de taille, la multiplicité des intervenants. D’où la nécessité de revoir la gouvernance de ce programme. Reste à savoir si la nouvelle vision 2030 pour l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement permettra un meilleur usage du numérique dans le développement de l’enseignement.

Autre secteur stratégique où la transformation numérique est en panne est celui de l’agriculture. Curieux quand on sait les budgets alloués au Plan Maroc Vert. L’enveloppe consacrée à la digitalisation de l’agriculture est à peine de 30 millions de DH. Ce volet n’a même pas été abordé dans la communication sur le bilan du Plan Maroc Vert par le département de tutelle. Quand on sait que l’intégration du digital permet de gagner en moyenne 15% la productivité agricole, surtout que 90% du tissu agricole est constitué de petits agriculteurs avec des unités qui ne dépassent pas les 5 hectares, le numérique représente une énorme opportunité. Pendant ce temps, il faut attendre les résultats menés en collaboration avec la Banque mondiale sur la digitalisation du secteur avant de définir la stratégie à suivre.

Et la santé publique? On le sait, dans un pays dont le système de santé publique souffre de tous les maux et manque de ressources humaines et financières, la e-santé constitue une alternative sérieuse pour le développement d’un système de santé accessible et égalitaire. Ainsi des applications utilisées aussi bien en matière de sensibilisation, de diagnostic et de prise en charge permettent d’assurer un meilleur traitement, un standing de qualité des soins de santé avec un moindre coût. A ce titre, il faut se réjouir de l’entrée en vigueur de la télémédecine, une pratique assurant une meilleure organisation et rationalisation des dépenses. Mais ce n’est qu’un premier pas! Il y a lieu d’activer d’autant que la santé numérique fait partie des axes prioritaires du Plan santé 2025. Le ministère de tutelle promet de gros investissements, notamment à travers la création de plateformes de télémédecine l’ensemble des régions.

Une chose est sûre: aujourd’hui, vu le rythme de réalisation des principaux chantiers numériques, il y a vraiment lieu de se poser des questions sur la volonté réelle du gouvernement et de l’ensemble des parties concernées dans ce domaine. Au regard de la faiblesse de l’exécution, la stratégie digitale 2020 est déjà dépassée! Si l’Agence du développement du digital appelée à enclencher la dynamique est toujours en mode veille, que peut-on espérer? Qu’attend le ministère de tutelle pour appuyer ENFIN sur l’accélérateur?