Et si Irembo était la porte? Par Amine Amara, cofondateur Digital Act
La semaine dernière, le leader mondial en termes de transformation numérique, qu’est l’Estonie, s’est tournée vers l’Afrique pour exporter son savoir-faire à travers une visite présidentielle. Or, même si cette dernière s’est limitée au Bénin et au Sénégal, le e-Etat n’oublie pas pour autant d’encenser les champions du continent que sont le Rwanda et le Kenya. Kigali étant l’exemple le plus abouti de ce qu’une volonté étatique bien réfléchie en matière du numérique peut engendrer comme avancées pour les citoyens et la croissance économique.
Dans la langue kinyarwanda, Irembo signifie porte ou portail, Si le nom est somme tout banal, le service lui ne l’est pas. En 2014, le président rwandais, Paul Kagamé, prend la décision de digitaliser la totalité des services publics de l’Etat, c’est ainsi que le service Irembo est né. Le but est simple, permettre un accès direct et permanent entre les citoyens et toutes les administrations locales et nationales. Les Rwandais peuvent, par exemple, renouveler leur passeport, demander une nouvelle carte d’identité, obtenir une copie de leur casier judiciaire, d’un certificat de mariage, s’inscrire pour son permis de conduire… le défi est de taille, mais l’Etat rwandais y mets les moyens de ses ambitions en encourageant par exemple l’éclosion d’un nouvel écosystème de start-up et de développeurs autour des enjeux de l’e-gouvernement (une partie du code source et mis à disposition des développeurs, afin qu'ils imaginent et qu'ils construisent des services publics et administratifs plus innovants). Ainsi si une solution permet aux citoyens d’avoir un meilleur accès à un service administratif spécifique sur Internet elle est entièrement intégrée à l’offre de service globale Irembo, une sorte de partenariat public/privé avec comme objectif celui d’optimiser l’infrastructure digitale étatique et d’améliorer le service rendu.
Irembo c’est d’abord un lancement avec à peine cinq services en ligne, le service en compte 310 aujourd’hui et devrait en proposer plus de 400 en 2020. Il est aussi utilisé par plus de 5.000 personnes chaque jour, mais est surtout gérés principalement par des étudiants qui ont pour rôle d’aiguiller les utilisateurs afin d’optimiser les Coûts. Enfin, ce digital store gouvernemental doit pouvoir répondre in fine à tous les besoins administratifs des particuliers et des entreprises.
Pays enclavé et pauvre et qui de plus est sort d’une guerre civile particulièrement génocidaire, le Rwanda ne dispose ni de façades océaniques, ni de ressources naturelles comme certains de ses voisins. Il a fallu donc miser sur d'autres moyens pour porter la croissance et séduire les investisseurs, les nouvelles technologies sont un exemple. Sur cela, Kigali prend exemple sur Singapour, l'Etat encourage toutes les initiatives, via des plans quinquennaux. Ordre, sécurité et environnement économique sont le triptyque qui portera le pays a devenir le plus «business friendly» du continent selon la Banque mondiale.
D’ailleurs, dès 2013, la société américaine Visa a fait du Rwanda son atelier beta du paiement mobile en Afrique, la société, leader mondial du paiement dématérialisé a lancé un système compatible avec tous les opérateurs du pays et vise une dématérialisation totale des paiements à l’horizon 2025 et ce sans pour autant dépendre du taux de bancarisation, il suffit d’un smartphone et d’un réseau, d’autant plus que grâce au système USSD, n’importe quelles données peuvent être transformées et envoyées par SMS. Même sans forfait data actif, n’importe quel service peut rester accessible.
Et si de plus en plus de d’entrepreneurs dans le monde du digital s’orientent vers le Rwanda pour démarrer leur activité, c’est que pour créer leur société, il leur suffit de quelques heures et quelques clics. Cette efficacité administrative couplé au très faible niveau de corruption (grâce encore à une digitalisation accrue des services administratifs) fait du pays un véritable laboratoire de test à ciel ouvert pour toutes les initiatives entrepreneuriales voulant se projeter après dans le continent africain.
Moralité, s’il en existe une pour notre pays, est que la transformation digitale doit d’abord faciliter la création de richesse (l’entreprenariat) avant de faciliter et encourager sa taxation.