Les Marocains et internet : Le smartphone explose tous les records! (Raja Bensaoud et Mohamed Douyeb, co-fondateurs Digital Act)
La quasi-majorité des marocains est équipée d’un téléphone mobile. Le smartphone est devenu le principal support de divertissement et d’information sur internet. Quid du contenu marocain?
La dernière enquête annuelle de collecte des indicateurs TIC réalisée par l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) menée au titre de 2018, nous apprend que le bond de l’équipement en smartphone se poursuit (https://www.anrt.ma/sites/default/files/publications/enquete-tic-2018.pdf). 99,8% des marocains sont équipés d’un téléphone mobile et, de nos jours, 86,3% des ménages au Maroc possèdent un smartphone. En matière de temps d’utilisation quotidienne, le mobile détrône tous les autres supports: 75% y passent plus de 30 minutes par jour. On apprend aussi que le rythme de croissance de l’équipement en téléphone mobile dépasse celui de la croissance démographique de la population âgée de plus de 5 ans. Ces chiffres n’ont rien d’étonnant et soulignent, une nouvelle fois, la place prépondérante du smartphone dans la quotidienneté des marocains. Plusieurs explications à ce phénomène :
- D’abord l’objet lui-même : notre smartphone est un peu notre couteau Suisse des temps modernes. Il nous sert tour à tour d’appareil photo, réveil-matin, de montre, de calculatrice, de moyen de lecture, de terminal de paiement, de consultation de vidéos, de lampe torche, de boîte mails, de station météo…et nous sert aussi à téléphoner
- La forte attractivité du design des smartphones et le discours marketing des fabricants qui les plébiscitent à travers des slogans glorifiant l’outil
- La réduction des barrières financières à l’accès au mobile suite au processus de baisse des tarifs qui a démarré avec l’entrée du 3ème opérateur (INWI) sur le marché ainsi que la réduction des tarifs d’interconnexion initiée par le régulateur (ANRT)
Un autre chiffre a retenu notre attention dans l’enquête de l’ANRT : Près de 6 internautes marocains sur 10 passent plus d’une heure par jour sur internet, principalement sur les réseaux sociaux.Nos smartphones sont des aimants extrêmement puissants. Leur conception même est axée sur la captation de notre attention : notifications et sollicitations en permanence, démarrage automatique des vidéos, contenus personnalisés et autres caractéristiques de notre écosystème digital. Les développeurs des géants du net rivalisent d’inventivité pour disposer de notre attention, devenue une ressource rare. Un tableau publié par Bloomberg décrit avec précision comment les puissantes multinationales de la high-tech parviennent à capter notre attention sur le web, à différents moments de la journée (*).
Le temps passé sur le smartphone peut être productif et nous enrichir en connaissances, nous informer, créer du lien social, découvrir, se divertir. Cet outil nous rend un nombre incommensurable de services. Pour autant, il est essentiel de reprendre la main sur ce que nous faisons de notre temps. Il est précieux. Précieux, le mot est lâché ! Mais qu’est ce qui est précieux et qu’est ce qu’il ne l’est pas ? Tout dépend de l’appréciation qu’accorde chacun de nous à internet et au numérique de manière générale. Revenons aux chiffres de l’ANRT, le divertissement vient en tête des usages des internautes marocains (95%), suivi de l’actualité (86%), le travail et activités professionnelles (51%), les études et recherches (33%) et la télé via internet (17%). Autrement dit, les deux principales motivations d’équipement des ménages marocains en accès internet sont le divertissement et l’actualité. Il s’agit d’une tendance lourde qui se confirme d’année en année.
La bataille du contenu
Bonne nouvelle : L’accès aux sites nationaux continue de progresser pour atteindre 38% en 2018 contre 16% en 2017. Il faut s’en réjouir parce que la principale bataille à mener sur le terrain numérique est celle du contenu marocain. Justement que fait-on pour développer un contenu digital marocain riche, varié et captivant ? Si elle a été retenue comme initiative phare dans Maroc Numeric 2013, force est de constater que la question du contenu est loin d’avoir été érigée comme une priorité haute dans la stratégie Maroc Digital 2020.
Quand on sait que trois internautes sur quatre admettent l’importance de l’internet dans leurs vies professionnelles et quatre internautes sur cinq estiment qu’internet est important dans leurs vies personnelles, nous sommes en droit de nous interroger sur le désintérêt pour le contenu. A quand une politique publique pour développer une industrie nationale créative de contenus numériques ? Pourquoi ce désintérêt des acteurs privés pour investir dans le marché du contenu digital ? Et pourtant les opportunités sont nombreuses. Le manque de crédibilité de l’information arrive en premier lieu des aspects négatifs affichés par les internautes marocains en ce qui concerne internet (67%). Quant aux aspects positifs, l’amélioration des compétences figure en pole position (77%). Entre information, divertissement, formation et perfectionnement professionnel autant de chantiers majeurs d’une industrie de contenu marocaine. C’est un chantier prioritaire en raison des perspectives de nouveaux débouchés qu’il offre pour les entreprises et des possibilités de création d’emplois pour nos jeunes. Les talents sont là ! Il faut une vision, une politique, un budget et une bonne exécution.
Et la protection des données personnelles ?
L’étude de l’ANRT démontre un fort engouement pour les applications mobiles tant en milieu urbain qu’en milieu rural. D’où l’enjeu de la protection des données personnelles. A ce titre, les indicateurs de l’autorité de régulation donnent froid dans le dos. Près de deux individus sur dix déclarent connaitre l’existence d’une réglementation sur la protection des données personnelles et de la Commission nationale du contrôle de la protection des données personnelles (CNDP). Malgré les efforts de cette institution, un énorme chantier de sensibilisation attend la CNDP ! D’autant que parmi les risques les plus ressentis par les internautes figurent ceux liés à la menace sur la donnée personnelle et la vie privée (54%).
(*) https://www.blogdumoderateur.com/entreprises-tech-journee/