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05 janvier 2020 - 11:18

Pour un modèle digital ouvert, ambitieux et inclusif (Par Raja Bensaoud, Mohamed Douyeb, Amine Amara)

La prise de conscience est de plus en plus forte quant à l’intérêt du numérique en tant que levier de développement humain et d’inclusion sociale. Si les initiatives publiques et privées se multiplient, les pré-requis d’un Maroc digital fédérateur ne sont pas tous réunis. Volontarisme politique, vision stratégique, convergence des initiatives, partage des infrastructures pour le développement des e-services publics, alphabétisation numérique, innovation… Autant de leviers à actionner pour un Maroc où le numérique est au service du développement économique et du progrès humain.

Si le Maroc peut se targuer d’une bonne qualité de connectivité, les chiffres parlent d’eux-mêmes: A peine la moitié de la population a accès à internet et 1 marocain sur 2 dispose d’un smartphone, alors que sans une libéralisation et démocratisation de l’accès à l’internet fixe, le haut débit fixe restera encore l’apanage de quelques privilégiés urbains. L’offre marocaine de contenu digital reste également assez limitée. L’innovation numérique a du mal à prendre. Seul l’Etat, aujourd’hui, à l’image de gros départements et d’administrations (la Défense, l’Intérieur, les Finances, les Impôts...) ont investi dans des chantiers numériques structurants. Les acteurs privés du digital restent, quant à eux, tributaires de la commande publique. Le numérique a besoin d’une nouvelle vision qui soit le fruit d’une consultation nationale élargie.

Dix chantiers-clés:

-Gouvernance

Le digital a grandement bouleversé le rapport du citoyen à la chose publique. Ce changement qui nous a littéralement transcendés n’est pas binaire, il est simplement inévitable. Le digital peut largement contribuer à la construction ou du moins à la matérialisation de choix collectifs et au renouvellement des procédures de décision politique. Cette nouvelle transparence que nous obtiendrions grâce à ces nouveaux outils, des processus participatifs, nous permettra d’élire (choisir) nos gouvernants, selon leur capacité réelle à servir et de mieux les évaluer. S’informer, interagir, partager, réagir... le digital nous procure cet espace d’inclusion sociale et de liberté, d’engagement et de choix qu’il est difficile de croire que l’avenir, démocratique ou autre, s’établira hors de lui.

-Education

Le constat est sans appel: le digital a révolutionné la manière d’enseigner et les pratiques pédagogiques. Pour le champ de l’éducation, intégrer les nouveaux modes d’apprentissage est primordial. Au-delà des MOOC (Massive Open Online Courses) dans le secteur universitaire, les services digitaux permettent d’innover en matière de Learning Management System (LMS) en favorisant des méthodes et des parcours de formation personnalisés tout en facilitant l’inclusion sociale et économique notamment grâce à l’enseignement à distance mis au profit des élèves résidant loin de leur école ou dans l’incapacité de se déplacer. En parallèle, il est primordial, à l’ère des fake news, de donner à chaque élève les compétences lui permettant d’accéder à la connaissance, évaluer l’information et développer l’esprit critique.

-Santé

La santé fait partie des trois secteurs qui devraient être le plus transformés par le digital dans les années à venir, aux côtés de la banque et des biotechnologies. Au-delà des actions structurelles menées par l’Etat, l’évolution qui est en train de prendre place dans le secteur de la santé est avant tout incarnée par de nouveaux services connectés pour les patients ainsi qu’une nouvelle approche par les praticiens. Or, la compréhension des enjeux liés à la réglementation, la gouvernance, aux problématiques culturelles de part et d’autre, la protection des données et la cybersécurité, seront essentielles à la réussite du virage digital vers la santé.

-Culture

Avec le digital, la scène culturelle a subi des transformations majeures. Face à ces nouveaux défis, les institutions culturelles s’interrogent sur comment développer une offre culturelle nouvelle et remaniée facilitant l’accès à l‘information et aux contenus et ce, quelle qu’en soit la nature (informations pratiques, éducatives, récréatives…). La mise en œuvre de cette démarche doit être pensée au-delà du simple contenu applicatif et surtout dans une pratique orientée public.

-E-Réputation

Un clic et on peut tout savoir sur un pays, une destination, l’état de son économie, l’évolution de la société… Le digital est donc la première porte d’entrée. Pas besoin de rappeler l’importance du canal numérique dans le domaine de la réputation et du rayonnement international d’un pays. D’où la nécessité de prendre à bras le corps ce sujet capital qui a des implications fortes aussi bien sur les plans diplomatique, sécuritaire, économique et social.

-Industrie

Le constat fait l’unanimité: L’industrie 4.0 est une révolution. Elle est qualifiée de quatrième révolution industrielle. Le numérique étant au cœur de cette révolution, l’industrie 4.0 introduit une transformation totale des modes de production en donnant la part belle à l’automatisation intelligente et ceux liés à la gestion. Ayant fait le choix de l’accélération industrielle, le Maroc est interpellé à plus d’un titre sur la question de l’industrie 4.0. Ce virage nécessite des investissements lourds, la montée en compétences et un accompagnement millimétrique. Dans ce contexte, notre industrie n’a d’autre choix que de prendre le train du numérique, moteur de modernisation, de compétitivité et d’innovation.

-Economie solidaire

Le numérique solidaire est un concept qui se veut une alternative au don qui, lui, instaure une relation de dépendance, de redevabilité et de supériorité. Mais c’est surtout l’utilisation des outils digitaux innovants pour venir en aide aux populations les plus défavorisées à travers plusieurs solutions, notamment le crowdfunding et crowdsourcing, la microfinance (microcrédit et microassurance), le mobile payment et le le digital banking… Le digital social représente une opportunité unique dans la mesure où il bénéficie directement aux usagers (micro-emprunteurs, personnes défavorisées ou en situation précaire…) tout en limitant les coûts administratifs et les intermédiaires. Car, l’engagement social et solidaire doit aussi représenter un prolongement de l’activité économique et de la croissance afin de le pérenniser.

-TPME

Le tissu économique marocain compte 95% de TPE et PME. On ne le répétera jamais assez, le digital est le meilleur allié des petites et moyennes entreprises pour se moderniser, optimiser leur process et gagner en compétitivité. Un travail titanesque en termes de sensibilisation, de communication et d’appui est vital pour amener les TPME à franchir le cap numérique, aussi sur les plans de l’infrastructure, du développement et du contenu.

-Startup

Beaucoup de bruit pour rien? Beaucoup de choses se racontent sur les startups. En dépit de la conscience collective sur l’importance stratégique de développer les startups, l’énorme communication et les initiatives publiques et privées, les jeunes startups n’arrivent toujours pas à percer. Il est temps de bâtir une vision nationale des startups et de créer un véritable éco-système innovant permettant, notamment, de développer leur collaboration avec les grands groupes afin de favoriser l’émergence d’une nouvelle vague entrepreneuriale dont le Maroc a tant besoin.

-Médias

En quelques années, le numérique a bouleversé le paysage médiatique national. L’accès à l’information s’est élargi et l’offre éditoriale s’est enrichie. Accéder à l’actualité est la deuxième raison citée par les ménages marocains pour s’équiper en internet (le divertissement arrive en premier lieu des motivations). Une chose est sûre: le digital constitue un extraordinaire levier pour l’ensemble des médias à condition que les acteurs de la chaîne de valeur contribuent au développement d’une offre éditoriale innovante, rigoureuse et exigeante.

 

* Cette tribune, signée par le comité cofondateur du Digital Act, a été publiée pour la première fois dans le quotidien L'Economiste daté du 16 décembre 2019.