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06 mars 2022 - 12:25

A quand une mise à jour de la version beta Morocco Tech ?

Par Mohamed Douyeb, cofondateur et président Digital Act. La polémique et les révélations qui ont secoué le lancement de «Morocco Tech» ont-elles fini par entériner cette initiative ? Plus d’un mois après son annonce officielle, la question alimente les discussions au sein du microcosme numérique marocain. Fruit d’un partenariat public-privé, «Morocco Tech» est la marque digitale souveraine. Ce branding est censé exprimer les attributs, les forces et les promesses du Royaume, en tant que nation numérique et destination privilégiée pour les investissements dans les nouvelles technologies. Sur les deux volets, beaucoup de chemin reste à parcourir. Du moins à en juger par les derniers rapports des institutions internationales. Aujourd’hui, selon les estimations des professionnels, le numérique contribue à peine avec 6% au PIB marocain. Le challenge étant d'augmenter à hauteur de 20% les investissements dans les TIC. Ce qui permettrait de gagner 1 à 2% en termes de PIB, estiment des experts.

Figurer dans le top 10 numérique mondial !

Que s’est-il passé depuis la révélation officielle de «Morocco Tech» ? D'aucuns n’hésitent à parler d’un projet mort-né. Les plus optimistes y croient dur comme fer et attendent des actes forts et concrets de la part du gouvernement. Selon nos informations, le chantier «Morocco Tech» est toujours d’actualité. En attendant les prochaines sorties du gouvernement sur le sujet, la documentation disponible fait ressortir un engagement politique de taille : «Etre dans les 10 destinations mondiales les plus prisées pour les investissements dans les technologies numériques». Rien que ça ! Légitime et audacieuse pour certains, démesurée pour d’autres, cette ambition est loin de faire l’unanimité.

 

Infographie innovation Tech

 

Comment faire son entrée dans le très sélect club des nations numériques les plus prestigieuses ? Des nations qui continuent de se donner des moyens colossaux, notamment législatifs, techniques et financiers pour placer l'innovation au cœur de leur fonctionnement, développement et influence. A eux seuls, les Etats-Unis et la Chine représentent plus de 40% de la valeur ajoutée des TIC au niveau mondial, selon les indicateurs de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Les deux puissances cumulent 75% des brevets relatifs à la technologie de la blockchain, 50% des dépenses consacrées à l’internet des objets et plus de 75 % des parts du marché des services cloud, selon la même source. Mieux encore : 90% de la capitalisation boursière des 70 premières plateformes numériques. La part de l’Europe se limite a, à peine, 4%, celle cumulée de l’Afrique et de l’Amérique latine, se situe à 1%. Dans cette configuration marquée par une forte bataille numérique entre les Etats-Unis et la Chine, des nations se démarquent. Champions de la qualité de vie digitale, les pays nordiques ont atteint une maturité digitale remarquable dans de nombreux domaines, notamment ceux liés aux services publics et à l’éducation. Un cas d’école inspirant.

Un énorme défi réglementaire

Dans le rapport 2020 du World Economic Forum (WEF), le Maroc a perdu six places en matière de compétitivité numérique. En occupant la 93ème place sur un total de 134 pays, on imagine tout le chemin à faire. Deux leviers pénalisent lourdement notre classement : Technologie du futur et contenu. Au niveau de l’innovation, moteur clé de la compétitivité numérique, le Royaume peut mieux faire. Dans l’indice mondial 2021 (WIPO), le pays se place en 77ème position (75ème en 2020 et 74ème en 2019). Volet institutionnel, capital humain, infrastructures, business digital… le Maroc stagne, si l’on en juge par l’indice WIPO. L’analyse des derniers rapports des institutions internationales fait ressortir que le retard considérable dans le développement de nombreuses technologies numériques ne fait que se creuser. Une tendance accélérée par la crise sanitaire. La question est de savoir comment l’économie numérique peut profiter au plus grand nombre. La (re)définition des règles du jeu, en concertation avec toutes les parties prenantes, est un préalable. Cela commence d’abord par une législation à la hauteur des enjeux. Dans ce registre, le Maroc a un énorme défi réglementaire pour la construction d’un environnement garantissant des opportunités de développement et de croissance.

 

Chiffres-clés

6% Contribution du numérique dans le PIB

10 milliards de DH, économie annuelle que peut générer de la dématérialisation

7 entreprises marocaines sur 10 n’ont pas de page web

92% des entreprises utilisent internet uniquement pour l’échange de mails

2.000 startups opèrent au Maroc

 

 

Pas de mise à niveau des infrastructures, pas de développement numérique !

Dans le nouveau modèle de développement, le numérique tient le rôle de levier stratégique. Pour ce faire, l’extension du haut et très haut débit fixe et mobile à l’ensemble du territoire est un prérequis. L’enjeu est de réduire la fracture numérique accélérée par la crise sanitaire. Parmi les recommandations, la mutualisation et le partage des infrastructures entre opérateurs, y compris les réseaux de fibre optique des entreprises publiques et le renforcement de la concurrence sur le marché du haut débit fixe et mobile sous le contrôle effectif de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), via l’entrée de nouveaux opérateurs d’infrastructures ou fournisseurs d’accès à internet. La Commission spéciale ne mâche pas ses mots : Il y a lieu d’effectuer un énorme rattrapage au niveau des infrastructures. Pour rappel, la mise à niveau des infrastructures et le déploiement du très haut débit figurent en tête des recommandations de la Note d’orientations générales des télécoms pour 2023.

La data, un enjeu de taille

La data est devenue un actif stratégique pour la création de la valeur économique. Sa gestion est donc primordiale. La fracture est immense, quand on sait par exemple que l’Afrique et l’Amérique latine hébergent ensemble moins de 5% des data center offrant des services de colocation. Pour le cas du Maroc, le sujet est explosif, dans la mesure où la majeure partie du web national est hébergé pour des raisons objectives à l’étranger. Rappelez-vous l’onde de choc, en mars 2021, des dégâts causés par l’incendie des data center OVH, abritant des données notamment des utilisateurs marocains de la plateforme «Rokhas» assurant la gestion des services publics digitalisés, tels que la e-signature et les e-services urbanistiques. Dans l’écosystème numérique, des voix alertent sur la nécessité d’un cloud marocain souverain.